La chronique n°5 de Nicole Esterolle
Jacques Gérault (préfet de région), Jean-Jack Queyrane (Président du Conseil Régional), Jean-Paul Bret (Maire de Villeurbanne), Alain Lombard (Directeur de la DRAC), Farida Boudaoud ( vice présidente du Conseil Régional, déléguée à la culture et à la lutte contre les discriminations), Loïc Chabrier (Adjoint à la culture à la mairie de Villeurbanne), m’avaient tous ensemble expressément et personnellement conviée au vernissage de l’exposition MATT MULLIGAN, le jeudi 3 juin , à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne …
Et bien figurez vous que malgré cette aimable insistance de personnages pourtant très haut-placés, je n’y suis pas allée parce que j’ai complètement oublié ! Honte à moi !....Mais, renseignement pris auprès d’une amie qui y est allée : la quasi totalité des notables sus-cités fut aussi défaillante que moi ! Honte à eux !
Alors, pour rattraper le coup, je vais me renseigner sur Google au sujet de Matt Mulligan… Et c’est ainsi que je découvre que : « Matt Mulligan est un artiste américain d’envergure internationale, qui vit et travaille à New York et qui développe un système de signes dont certains sont le produit de son imagination, d'autres sont pris directement au glossaire des aéroports, des autoroutes et autres voies de circulation. La base de son système est formé par ses " charts ". Il développe ainsi son propre modèle de cosmologie dans lequel il distingue 5 niveaux, représentés par des couleurs et des signes différents. »
Je lis aussi que « Matt Mullican développe des systèmes cohérents de signes qu'il explore et réinvestit à travers des actions sous hypnose, dans un va-et-vient permanent entre le réel et sa schématisation, entre la fiction et sa réalité physique. »
Bon, OK, après tout, pourquoi pas, il ne mord pas et on a vu pire dans le même registre !.... Mais tout ça ne m’explique pas ce que cet artiste -, d’envergure - internationale – là, peut bien faire à l’Institut d’Art Contemporain (de la rue bien nommée du docteur Dollard à Villeurbanne), plutôt qu’un autre, car il y en a des milliers d’artistes « d’ampleur planétaire» sur cette terre.
Je pousse donc mes investigations sur Google et j’apprends qu’en 1989, Matt Mulligan fut « proposé » par la DRAC Rhône-Alpes à la municipalité de Givors, pour décorer les cuves du port pétrolier situé à l'entrée de la ville , mais que ça ne s’est pas fait (Il n’est pas dit pourquoi) , malgré l’insistance du Maire de Givors qui, au nom de la modernité culturelle, préférait pourtant la déco de Matt Mulligan à l’agrandissement de dessins d’écoliers givoiriens pour coller sur les immenses récipients à hydrocarbures.
Mais qu’à cela ne tienne, la question reste entière : Quel est le rapport entre hypnose et cuves à mazout ? Et surtout, que vient faire ce californien en terres Rhône-Alpines ? Pour quelle mystérieuses raisons les collectivités locales sont - elles contraintes de dépenser l’argent du contribuable lyonnais pour faire la promotion de cet illustre inconnu américain, vaguement charlatan, dont personne ici n’a rien à encaustiquer de ses « charts » , de sa cosmologie ésotérique et de ses performances sous hypnose et sur cuves à mazout?
Car enfin, imaginons la configuration inverse : un artiste lyonnais (hypnotiseur ou pas) pressenti pour colorier des cuves à mazout dans une ville de Californie et à qui le Musée d’Art Contemporain de Santa Clara par exemple consacrerait une rétrospective au frais des pétroliers californiens…Ne trouveriez-vous pas cela époustouflant ?
Et bien voilà, en France cela se passe comme ça et personne n’y voit rien d’étonnant… Rien de plus normal en effet que le Conseil Régional, le FRAC, la DRAC, les villes de Lyon et Villeurbanne claquent leur pognon pour la promotion d’artistes « de la scène internationale », en méprisant totalement les productions nationale et régionale parce que celles-ci n’ont pas le prestige suffisant pour rayonner, que dis-je, IRRADIER culturellement à l’international et satisfaire leur obsession mégalomaniaque et régionalophobe de communication planétaire.
Ainsi va le monde artistique à Lyon et ailleurs….
Je viens de lire dans Le Monde du 4 juin, un entretien avec Eduardo Arroyo ( vous connaissez cet immense artiste franco-espagnol homologue d’Antonio Tapiès et de Barcelo?) au sujet du livre qu’il vient de publier intitulé « Minutes d’un testament » (Grasset). Arroyo dit « Il ne reste rien de ce à quoi je croyais … Le monde artistique actuel est répugnant, un Barnum insupportablement idiot ».
Lisez ce livre de Eduardo Arroyo, Messieurs les notables lyonnais, pour vous rendre compte dans quelle invraisemblable galère mazoutée vous êtes embarqués avec cet art contemporain-là et son hypnotique Institut villeurbannais.
[Images ci-dessus: recto immonde gribouillis et verso genre moquette Saint -Maclou du carton d’invitation Matt Mulligan au IAC.]
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Nicole Esterolle (critique d’art indépendante) · Mes deux précédentes chroniques : N°3 « Taupinière et palissade » et N° 4 « un colloque international au sujet de Ben » figurent sur le site www.actuartlyon.com, qui est le seul media ayant osé les publier.
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Comme nous avons fait jadis de Nietzsche un antisémite, nous faisons aujourd'hui de Ben un excédé égocentrique et de Matt Mullican un charlatan ésotérique. Comment en sommes-nous arrivés là?
"Si la nostalgie à l'égard de l'art du passé est compréhensible, une telle mise en cause de l'art actuel court le risque d'une simplification extrême. Elle repose sur des amalgames injustifiés qui renforcent le discrédit affectant, souvent sans nuance, la totalité de la création contemporaine." * lire la suite