Ah si!! les détracteurs de Ben étaient venus à son colloque! il leur aurait donné raison! Comme vous le savez, le Musée d'Art Contemporain de Lyon a organisé ce jeudi 3 juin un colloque sur Ben, avec la participation de professionnels du monde de l'art venus de plusieurs coins du monde.
Ben était là, Actuartlyon aussi, curieux d'entendre comment des universitaires talentueux font d'une oeuvre tellement compréhensible et d'un artiste qui joue cartes sur table, un grand discours sur les signes et les choses, sur l'égo, le quotidien, la performance-signature, l'art conceptuel, le Ben populaire, le Ben peintre...
Après la première intervention d'un éminent professeur d'Histoire de l'art contemporain et d'Histoire et critique des arts, qui nous a lu sa dissertation "Dire, écrire, faire et l'incertitude des relations entre le monde des signes et le monde des choses chez Ben", Actuartlyon pose sa première question:
/Pourquoi un colloque sur Ben? Pourquoi tellement d'analyses, de discours savants, alors que tout pourrait tenir dans une seule phrase: Ben ose dire tout haut ce que l'on n'ose plus dire parce que empêtrés dans le formalisme du monde et dans la morale? Alors que l'art ne s'oppose pas à la vie, car le monde des signes EST le monde des choses et vice versa, selon ce circuit vital des signes: tout signe devient chose et toute chose devient signe. La question serait plutôt de dire qu'est-ce que l'art et pourquoi l'oeuvre de Ben rentre dans le champ de l'art/.
Dans l'ébahissement total de ces savants, nous avons eu droit à trois réponses, les unes plus révélatrices que les autres. La première réaction a été celle de Ben: /Moi, je prends votre question comme un compliment/. La deuxième a été celle de Thierry Raspail, qui, visiblement irrité, nous a rappelé les règles d'un colloque: /Je crois que si vous êtes venue assister à un colloque, vous en respectez aussi les règles, sinon je vous invite à aller dans les salles d'exposition/. La troisième, qui vraiment nous a laissé pétrifiés, a été celle d'Anna Dezeuze (Terra Foundation for American Art Postdoctoral Fellow, Smithsonian American Art Museum, Washington DC): /C'est vrai qu'il est difficile de parler de Ben quand Ben est présent, il a tout dit, pourtant nous, les professionnels du monde de l'art, nous avons nous aussi besoin de manger/.
Nous n'avons pas eu l'occasion de répondre sur place, mais nous répondons ici, dans cet espace de liberté qu'est Actuartlyon. Nous aimerions rappeler à M. Thierry Raspail que le mot "colloque" tient son étymologie du latin "cum loqui", qui veut dire /parler avec/, donc parler ensemble, dialoguer, avant de prendre, au XXe siècle seulement, sa signification de "réunion de spécialistes invités à confronter leurs points de vue" et rivaliser avec "congrès" et "conférence"*. Si l'on n'est pas capable d'accepter les points de vue de l'autre, nous nous demandons alors qui est le plus égocentrique: Ben ou ses défenseurs? (lire aussi "Ben, suite et fin")
Nous aimerions également répondre à Mme Anna Dezeuze que si sa réponse est la SEULE réponse possible à notre question, c'est triste mais surtout: c'est GRAVE! Nous déduisons que "les professionnels du monde de l'art" font des colloques surtout pour gagner de l'argent et non pas pour transmettre quelque chose et faire avancer la pensée. Dans notre parcours doctoral nous avons assisté à suffisamment de colloques pour en avoir l'intuition, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de l'entendre dire tout haut et avec une telle nonchalance... Eh bien, maintenant les choses sont dites.
Quant à Ben, loin de tout ce que ses détracteurs ont pu dire de lui (voir par exemple la dernière chronique de Nicole Esterolle), il nous a fait une démonstration magistrale de la futilité de tout cet "engrenage" culturel contre lequel lutter paraît une utopie. /J'aurai voulu être philosophe, non pas artiste./ dit-il, et de signifier que tout ce que ces communications brillantes ont pu affirmer sur lui et son art ne représentaient que 5% de ce qu'il avait à dire et que ce tapage médiatique ne vaut rien face aux problèmes réelles auxquels se confronte le monde. /L'art est une histoire de provocation de l'autre: je fais ça, qu'est-ce que toi, tu peux faire? Je me suis posé la question: qu'est-ce que je peux faire pour que les gens se souviennent de moi? Ca va pas plus loin que ça!/
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Car Ben Vautier a un rêve: arrêter les conflits dans le monde. /90% des conflits dans le monde viennent de conflits de langues/. Sa solution: découper le monde selon les cultures, donc les langues parlées par les habitants des territoires. "Une identité c'est vouloir être soi-même et chaque identité contient sa culture, chaque culture contient son avant-garde et chaque avant-garde contient son nouveau", autrement dit chaque culture a son art contemporain. (Les atlas linguistiques de Ben)
Que pense Ben de son colloque?
newsletter du 8 juin 2010 >>>
(tout lire jusqu'à la fin)
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* Le Robert, Dictionnaire Historique de la Langue Française