Chers lecteurs, nous avons republié l'article, suite à une fausse manipulation vous avez pu en lire le brouillon ce matin!
Enfermé dans sa cage de verre tel un animal en voie de disparition, et ceci pendant deux mois, Robert Combas serait-il devenu ce produit phare de l'industrie de la culture, marionnette sacrée et sacrifiée suspendue aux ficelles du grand show médiatique?
Pour éviter la foule qui s'est ruée dans les salles du MAC Lyon lors du vernissage de l'exposition Robert Combas, car les grands évènements sont trop rares dans les petites villes de province pour le who's who local de s'afficher, de se monter, je me suis donc rendue au MAC le lendemain, dans l'espoir de rencontrer l'artiste, pour l'interviewer et écrire une chronique sur Actuartlyon.
Quelle ne fut ma surprise de constater que l'artiste est enfermé dans une cage de verre, avec fenêtres teintées de telle sorte que les spectateurs puissent le voir, mais que l'artiste ne puisse pas voir ceux qui le regardent, comme s'il ne fallait pas effrayer "l'animal", et transformer cette cage de verre en creuset de la création subliminale. J'aurais voulu signaler ma présence parce que me posais encore une fois la question à qui était destinée sa création, lui que l'on dit "populaire", à l'ensemble des visiteurs, qui paient 8€ pour assister à l'acte créateur sans autre commentaire, ou à une oligarchie régionale qui se targue d'avoir "enfermé" Combas?
D'ailleurs ce mois-ci dans le Grand Lyon Magazine on peut lire une interview de Robert Combas, dans laquelle il remerciait, entre autres, le directeur du MAC Lyon de « permettre à des artistes français comme Ben et moi de faire une grande exposition, alors que les autres institutions nous qualifient de « trop populaires » ». Trop populaires? Etre populaire est-ce être connu par le plus grand nombre ou est-ce être le plus cité dans les médias? Lorsque nous parlons d'art à ce public populaire, sorti des grands noms - Picasso, Van Gogh, Monnet... - peu de personnes sont à même de nous citer de grands artistes contemporains.
Combien de ceux qui prononcent ce nom comme une identification à la haute culture sont capables de dire qu’il fait partie de ce groupe sétois qui, sous l’inspiration de Ben Vautier, a pris le nom de figuration libre lors de leur première exposition en 1981 à Nice? Combien savent que Combas, Di Rosa, Boisrond, Blanchard, font partie de cette vague de jeunes artistes français qui, en 1982, partent à la conquête des galeries à New York, et l’année suivante à Londres, pour donner la preuve au monde que l’art français existe encore à l’international? Et enfin combien ont vraiment regardé ses oeuvres? Dans tous les cas, les organisateurs de l'exposition du MAC seront contents d'avoir réuni tous le who's who lyonnais le soir de l'inauguration, parce que Robert Combas fait partie de cette catégorie d'artistes qui, selon le principe de Zinoviev*, sont choisis pour avoir été choisis, sont exposés pour avoir été exposés, achetés pour avoir été achetés...
The Combas, artiste en voie de disparition dans sa cage? The Combas bête de scène? The Combas sacralisé à tel point que dans ce dispositif muséographique et médiatique, aucune interaction n'est possible, il n'y qu'un émetteur de sens, c'est l'Artiste, le Créateur, "le Divin Combas"... Le spectateur, lui, n'est que spectateur, spectateur de cette sacralisation muséale, ce qui pose profondément la question: est-ce l'oeuvre qui fait le musée ou le musée qui fait l'oeuvre? Est-ce l'artiste qui fait le show ou le show médiatique qui fait l'artiste? Heureux ceux qui pourront guetter ses sorties du "studio" lorsque l'inspiration lui fera défaut et qu'il aura envie de redevenir un humain!
Enfin, 8€ pour voir "l'animal" dans son habitat? Alors que, cher public, au-delà des musées, en France comme à Lyon, les galeries sont ouvertes pour vous accueillir. Osez pousser la porte, l'entrée est gratuite! D'ailleurs actuellement, en face du Musée Gadagne à l'Espace Artichaut Philippe Aïni, qui a exposé avec Combas il y a deux ans, vous invite à son exposition jusqu'au 18 mars 2012.
Robert Combas
Greatest Hits
Du 24/02/2012 au 15/07/2012,
11-18h du mercredi au vendredi, 10-19h samedi et dimanche
Musée d'Art Contemporain
81 Quai Charles de Gaulle Cité internationale 69006 Lyon
04 72 69 17 18
Bus ligne C1, 4, 58 arrêt Musée d'Art Contemporain
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* "Alexandre Zinoviev, dans les romans où il décrivait le fonctionnement de l'Ivanie soviétique, avait souligné ce fait qu'on y est décoré pour avoir été décoré,. Seule le première distinction coûte. Dans l'Ivanie de l'art officiel français, on est choisi pour avoir été choisi, exposé pour avoir été exposé, acheté pour avoir été acheté: une fois le premier pas fait, les hommes d'appareil sont rassurés sur les goûts que désormais ils partagent.
S'élabore ainsi une liste standard autant que variable d'artistes officiels qui n'ont à peu près rien en commun sinon d'avoir été choisis officiellement. Une fois choisis, on pensera à eux à chaque fois qu'il faudra dresser une autre liste." Yves Michaux, La crise de l'art contemporain