La peinture de Moris Gontard: un monde d'un calme apparent, objets flous noyés dans un bleu-vert aquatique, terres isolées où un règne animal fantasque trouve son nid séculaire.
Le travail du plein de du vide révèle la construction des figures dans le creux laissé par les éraflures du fond. Création et destruction des couches de peinture s’équilibrent dans l’aventure de la quête permanente du sens. Le geste oscille entre la douceur des fonds en dégradés infinis et la fermeté du geste gratté sans pitié dans la chair de la toile elle-même.
La perspective chromatique structure l’espace en plans rapprochés et plans lointains par les différences de saturation, de netteté et d’orientation de la touche. Pourtant l’énigme de l’enchevêtrement des signes reste intacte, comme une devinette, labyrinthe pictural où le regard se perd entre matière, texture et couleur.
Le cadrage rapproché ne laisse pas la place à l’horizon, tandis que les variations optiques de l’angle de vue construisent une position mobile du spectateur, capable de regarder le paysage à ras d’un plan horizontal ou prendre de la hauteur pour admirer un étang foisonnant de vie.
Entre art brut* et abstraction lyrique**, entre construction de récit et impossibilité de nommer le visible, les plages de peinture ressemblent à des bouts de papier déchirés et marouflés sur la toile, suspendues dans un fluide épais. Parfois des hachures révèlent des sortes de grillages bitumeux structurés qui contrastent avec la légèreté des nuances aquatiques ou solaires.
Des leitmotivs végétaux – nymphéas, corolles et feuilles, ou roseaux – et animaux – oiseaux aquatiques ou lapins fantomatiques – se livrent à l’œil interpelé du regardeur tantôt comme énigmes, tantôt comme évidences. Mettre des noms sur des formes plastiques est le combat permanent et, en même temps, peut être la limite du regardeur. Entre le visuel et le visible il n’y a qu’un pas : celui du langage.
« La lisibilité des images n'ira justement plus de soi, car privé de ses clichés, de ses habitudes: elle supposera d'abord le suspens, la mutité provisoire devant un objet visuel qui vous laisse interloqués, dépossédés de notre capacité à lui donner du sens, voire même à la décrire; elle imposera, ensuite, la construction de ce silence en un travail du langage capable d'opérer une critique de ses propres clichés. Une image bien regardée serait donc une image ayant su interloquer, puis renouveler notre langage, donc notre pensée. »***