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QUESTIONS d'ACTUART

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 19:07

point-d-interrogation_7692_w300.jpgAu-delà des querelles esthétiques et des divisions manichéennes entre beaux arts et art contemporain, au-delà des polémiques rhétoriques qui, par leur nature même, restent à l'état de questionnements abstraits, si nous parlions tous simplement de l'état actuel de l'art tout court? Nous arrivons, au bout de quatre années d'expériences variées dans le monde de l'art français - qu'il s'agisse de rencontres de galeries ou d'artistes, d'organisations d'expositions, ou de combats pour la liberté d'expression artistique - au constat que oui, il y a une crise, qui a plusieurs sources et diverses conséquences. Cette crise est redoutée et ressentie surtout par les artistes d'expression plastique, appelons-la traditionnelle, n'ayant pas, ou trop peu, le soutien des grandes structures culturelles qui sont plutôt axées sur l'art dit "contemporain" et soutiennent ceux qui sont déjà soutenus. Mais elle n'est pas une crise de l'art, mais une crise du marché de l'art.

Plusieurs niveaux du marché de l'art existent et nous les avons exposés dans un article précédent "ART-naque, quel prix - quelle oeuvre?". A l'intérieur de chaque niveau du marché, les acquisitions d'oeuves d'art ne sont pas déclenchées par les mêmes motivations: les richissimes acquéreurs investissent dans l'unicité d'un objet vendu à des millions d'euros, les collectionneurs connaisseurs pointus cherchent l'objet rare qui valorisera leurs collections, quant à l'amateur d'art motivé par l'émotion devant une oeuvre, il devient acquéreur souvent par hasard et par coup de coeur.

Le niveau qui nous intéresse dans cet article est ce tout dernier, parce que c'est la part de marché la plus fluctuante et parce qu'il nous touche au plus près. Comme tout marché, il obéit lui-aussi aux principes économiques de base, c'est-à-dire le rapport entre l'offre (la quantité de tableaux) et la demande (les possibles acquéreurs). La question qui se pose aujourd'hui: alors que les artistes ont besoin "d'écouler leur stock" régulièrement, les possibles acheteurs sont-ils toujours éveillés à l'envie de posséder un objet d'art?

 

Nous vous livrons ici nos analyses, en commençant par l'OFFRE.

Chaque nouvelle rencontre avec le grand public nous fait constater au quotidien que l'art est devenu un élément familier, même familial. Dès que le sujet se présente, nous apprenons chaque jour que tout le monde connaît "quelqu'un qui peint". D'ailleurs tout le monde peut librement prendre des cours d'arts plastiques, d'autant plus que d'autres artistes, plus ou moins chevronnés, à défaut de réussir à vendre leurs créations, trouvent dans les cours qu'ils dispensent une source de revenu régulier (ne serait-ce pas se tirer une balle dans le pied?). Les écoles de beaux arts, d'arts plastiques, de design, produisent elles aussi plusieurs milliers d'artistes par an, autant d'individus qui peuvent grossir les rangs des demandeurs d'emploi l'année suivante.

Par ailleurs, l'évolution du statut de l'artiste, permet facilement, sur une simple présentation de dossier, de devenir artiste du jour au lendemain, sans même avoir besoin de formation particulière, puisque aujourd'hui seul le critère fiscal (l'inscription à la Maison des Artistes) définit son activité. De plus, pour la majorité des assujettis ("soumis aux cotisations et non assurés sociaux au titre du régime", générant un "bénéfice annuel inférieur 900 fois la valeur horaire moyenne du SMIC") l'activité artistique n'est que adjacente, ils ne vivent pas de leur art, mais de leur activité principale.

    Maison des Artistes
Effectif des artistes en début d'activité (non cotisants)
inscrits au fichier recensement pour l'année 2009: 

Hommes 2132
Femmes 2290
Total 4422


Effectif des artistes cotisants:

  Affiliés Assujettis Total
Hommes 13613 12477 26090
Femmes 9462 12910 22372
Total 23075 25387 48462


Pour palier à cette profusion d'artistes sur le marché, en besoin d'exposition, myriades de galeries et lieux diffusion se montent chaque année, qui, sans être subventionnées, ne résistent pas plus de 3 ans. Mieux encore, les artistes, en tout genre, devienent eux-mêmes leur propres galeristes, en ouvrant un pas de porte, une galerie-atelier, ou en organisant des opérations ponctuelles dans des lieux qu'ils louent.

La multiplication des moyens technologiques et, par cela, celle du nombre d'artistes et des oeuvres produites depuis 1850 a été vertigineuse, du fait de l'abolition successive des académies et grace aux révolutions esthétiques: déjà en 1850 on estimait à 200.000 le nombre d'oeuvres produites pas an par 3000 peintres établis à Paris et 1000 autres en province... Serions-nous encore aujourd'hui en présence de la rareté de l'objet d'art? C'est évident que non, dans l'ère de la reproduction et du tout numérique. L'art "industriel" introduit sur le marché des quantités d'objets fabriqués plus ou moins à la chaîne, dans des ateliers chinois ou de simples reproductions sur toile, qui alimentent les magasins de décoration-bricolage ou les boutiques d'encadrement, les sites de vente en ligne comme Ebay, ce que Raymonde Moulin décrit en termes d'"univers infra-artistique":

  • "Aujourd'hui comme hier, et dépit du développement des moyens de reproduction, il existe un marché où se négocient les formes les plus humbles de la production picturale. C'est le marché des tableaux interchangeables, produits d'un artisanat conventionnel et figé que l'unanimité des acteurs culturels, quel que soit le monde de l'art auquel ils appartiennent, rejette en dehors de l'univers de l'art. [...] Les thèmes s'inspirent des genres en vogue dans les chromophotographies du XIXe siècle [...]: marines bretonnes et vergers normands, maisons québéquoises ou savoyardes, chasses à courre, couchers de soleil à Venise ou à Montmartre, bouquets de fleurs, visages d'enfants, nus de femmes, scènes animalières...".

 

Trop d'art tue l'art? (suite): Du côté de la DEMANDE...
      


  • Références:
    Raymonde Moulin, L'artiste, l'institution et le marché (1997), Le marché de l'art. Mondialisation et nouvelles technologies (2003)
    Anne Coquelin, L'art contemporain (2009)
    Yves Michaud, La crise de l'art contemporain (1997), L'art à l'état gazeux (2009)
    Les peintres, le Salon, la critique, 1848-1870, Musée d'Orsay, 1998

 

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commentaires

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<br /> Je viens de lire avec interêt l'article sur la plethore d'oeuvres d'art en tous genres et les rapports complexes unissant les "artistes" et les acheteurs . Je suis entiérement d'accord avec cette<br /> analyse<br /> <br /> <br /> Je veux juste ajouter quelques remarques qui viennent appuyer le discours<br /> <br /> <br /> Nous arrivons à la periode où les "papys et mamys boomers " arrivent à la retraite et beaucoup prennent des cours . Parfois au bout d'un an à raison de 2h par semaine ils s'imaginent être en<br /> passe de devenir un grand nom de la peinture et veulent EXPOSER ( je l'ai vu souvent)<br /> <br /> <br /> Alors ils cherchent un lieu . Refusés par les Salons avec jury, ceux qui ont les moyens louent un espace ( il y en a plusieurs à Lyon) tout en crachant sur ces jurys qui " n'y connaissent<br /> rien".Bien , ils font leur expo , au vernissage , il y a du monde( les petits fours attirent toujours du monde) , des amis leur achétent une toile et voilà ils y croient et leur tête enfle !!!!!<br /> et du coup les lignes sont encore un peu plus brouillées .<br /> <br /> <br /> Bref ! que tout ceci ne nous empêche pas de peindre ....<br />
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