Suite à notre dernier article "Trop d'art tue l'art?", qui a réuni toutes nos expériences, lectures et constats sur le monde de l'art depuis 4 ans, avec plus de 700 visiteurs uniquement sur cet article, nous avons eu de nombreuses réactions, dont nous aimerions partager quelques-unes, autant d'angles différents pour considérer l'art. Nous invitons d'ailleurs tous nos lecteurs possesseurs d'un compte Facebook, de répondre à notre questionnaire à 4 choix de réponse qui se trouve sur notre page.
Art, sociologie et spiritualité
MG: Ne pas confondre l'Art avec les événements sociologiques qui nécessitent moult littérature explicative. l'Art est silencieux, reconnaissable par l'oeil intérieur averti que n'ont pas les gens pressés et dispersés d'aujourd'hui... Quant au Business Art, il s'agit d'une autre face du matérialisme ambiant qui n'a rien à voir avec la spiritualité inhérente à la création.
Actuartlyon: L'art n'est pas seulement un évènement sociologique, mais l'art est sociologie. Il n'y a pas de société (au sens civilisation) sans art. Au fil de l'histoire de l'humanité l'art a cristallisé l'histoire, les dogmes religieux et les rapports sociaux entre les individus à chaque époque. Nous pouvons "lire" par exemple sur les vases grecs l'activité sociale dans la Grèce antique, tout comme au Moyen Age les codes iconographiques prévoyaient toujours la représentation des mécènes dans la fresque même, tenant dans la main l'église. Aujourd'hui une grande partie du discours artistique contemporain est inspiré par les évènements politiques et sociaux dans le monde. Yves Michaud parle même de l'art comme "le ciment social" dans les sociétés occidentales, au même titre que la doctrine religieuse dans les sociétés islamiques, par exemple. L'"oeil intérieur averti" n'est apparu qu'en 1750 avec le discours esthétique, avec l'apparition de la critique avec le développement des Salons de peinture, et ensuite le concept de l'"art pour l'art" sans utilité en soi. Pas besoin d'avoir un oeil averti pour reconnaître de l'art. Le mot "spiritualité", opposé à "matérialité" n'est pas, il me semble, même en fouillant son étymologie, rien à voir avec la création artistique. Tout acte créatif aboutit à une oeuvre collective, alors que la spiritualité est un concept individuel, donc intime. L'acte créatif émane d'une sensibilité, d'une pulsion incontrôlée, presque schizophrène, alors que la spiritualité, qui vient de l'esprit, se réfère à l'intellect, à l'intelligible et souvent à Dieu. Enfin l'aboutissement de l'acte créatif est tangible et non abstrait, en d'autres mots rien de plus matériel qu'un tableau.
MG: Merci de votre prompte réponse argumentée. Je profite d'un instant de liberté pour continuer le dialogue. L'art à mon sens n'est pas sociologique, mais historique, car l'histoire de l'art est ce qui reste, souvent en témoignage des grands événements, non anecdotiques, de l'humanité : les religions et leurs péripéties, les guerres, les découvertes et les transformations industrielles (arrivée du machinisme, de la photographie, de l'électronique...). Comme les scientifiques, les artistes ont des intuitions en rapport avec les quêtes de l'humanité, ce qui fait l'universalité de leur reconnaissance. Nul besoin dans ce cas de discours didactiques à l'appui. Bien sûr, des écoles de suiveurs existent autour d'un chef de file, mais on ne peut pas parler d'Art collectif. D'accord avec la sensibilité, la pulsion quasi schizophrène de la création, mais si vous dîtes que toute création est collective, cette collectivité serait donc elle-même schizophrène ?...................... La société à qui échappent les événements qui feront l'histoire (c'est on ne peut plus vrai aujourd'hui) ne peut qu'évaluer la force du témoignage de l'artiste, et encore a posteriori, en considérant l'étendue, le rayonnement, la constance et la spiritualité (oui) d'une oeuvre créatrice.
Actuartlyon: Oui, l'art est historique parce qu'il fait partie justement du contexte social d'une époque, et fait l'objet d'étude, entre autres, de l'histoire de l'art, mais à mon sens l'art ne parle pas seulement d'histoire, mais aussi des relations sociales, politiques et économiques d'un certain territoire à une certaine époque. Pourquoi d'ailleurs des sociologues, comme Habermas ou Raymonde Moulin, se seront-ils penchés sur l'étude de l'art et de sa fonction, en créant la sociologie de l'art? Quant j'écrivais que l'acte créatif aboutit à une oeuvre collective, j'aurais peut-être dû préciser "oeuvre destinée à la collectivité", c'est à dire partagée, non pas "créée par un collectif" comme vous semblez l'avoir compris. L'art est un moyen d'expression parmi d'autres et il est d'autant plus fort lorsque les autres moyens font défaut. A quoi servirait l'expression sinon comuniquer avec son prochain son expérience? Si l'"histoire future" échappe à la société du présent, et je suis bien d'accord, de quel témoignage s'agit-il? Des témoignages passés d'artistes visionnaires? Je pense qu'apprendre des erreurs du passé, c'est comme ça que je comprends votre idée, est encore moins vrai dans le champ de l'art. Parce que les grands artistes visionnaires ne seront consacrés comme tels qu'après leur mort, parce que justement il font partie de l'histoire, du passé, et le culte du passé est sacré.
La crise du pouvoir d'achat
HG: .... pfffff ... Solution: >>> remettez le Francs aux Français, à la place des €uros pourris qu'on nous a donné , ..et vous verrez si les ^crises en tous genres^ ne deviennent pas ......... abstraites! Les gens en ont marre de ne pas pouvoir s'acheter une oeuvre qui leur plait, autant qu'un artiste est dégoûté de voir 1 tube de peinture à 10Frs passer à 5€50. En revanche: Ceux qui ont les moyens de s'en payer marchanderont sur des oeuvres d'artistes EXCEPTIONNELS à des prix ...sacrifiés, tout en fluctuant INDIFFÉREMMENT sur des valeurs insignifiantes. Moralité: ce n'est pas la quantité qui tue l'art mais la qualité en souffrance d'égards....
Actuartlyon: Bonjour HG, La crise française du pouvoir d'achat, oui, touche l'art, nous avons pu le constater nous mêmes, Actuartlyon, en tant qu'organisateurs d'expositions, heureusement que nous nous sommes engagés dans cette voie par passion et nous n'avons pas la pression de la vente, de la rentabilité, et je comprends bien le déssaroi des artistes, ce pourquoi j'ai rédigé l'article en cause. Le but de mon analyse est d'interpeller les lecteurs sur la crise de la FONCTION de l'art, qui date de bien plus longtemps que cette dernière crise économique. Car la grande majorité des anonymes préféreront s'acheter sans état d'âme des baskets Lacoste à 150€, une paire de jeans Levis à 200€, un carré Hermès à 250€, un Iphone ou une tablette à 700€, un écran plasma à 1500€ et la liste peut continuer... - autant de signes INUTILES de richesse et de pouvoir éphémères parce que la mode change et parce que dégradables - à la place d'un tableau, qu'il ne pourra montrer à son entourage que dans l'intimité de son appartement: on ne porte pas son tableau sur le dos quand on va au bureau. L'idée de l'unicité, la rareté, la valeur patrimoniale de l'art est déjà obsolète ("un bien rare, durable, qui offre à son détenteur des services esthétiques (plaisir esthétique), sociaux (distinction, prestige), et financiers" - Raymonde Moulin). Quant à la "qualité en souffrance d'égards", elle découle inévitablement de tous ce que nous avons exposé plus haut, y compris de la saturation du marché par l'explosion de l'offre, qui noie les vraies valeurs. Ceux qui voudront aquérrir une oeuvre, auront par contre besoin d'être rassurés, ils feront plus facilement confiance à une galerie parce qu'ils auront un label reconnu par la communauté, ils diront: "Je l'ai acheté à la FIAC" ou "Je l'ai acheté chez...".
L'art à petits prix
MM: Je ne suis pas d'accord avec le fond de cet article, trop d'art ne tue pas l'art... il existe maintenant de nombreux moyens pour les foyers moyens d'acceder à l'art sans depenser necessairement une fortune... de nombreuses galeries mettent à disposition du plus grand nombre des objets d'art uniques et "beaux" à des prix abordable... quand à la valeur réelle de ce type d'investissement, on sait bien tous qu'il s'git d'un pari sur la valeur quotée de l'artiste dans le futur... des galeries de type carré d'art qui vendent des oeuvres à prix fixe en fonction du format ne se seraient pas autant étendues en europe et aux us dans ce contexte de crise si elles ne trouvaient pas un vrai marché... pour moi ceci étant dit, je pense que l'argent et le business ou la starisation dont vous parlez ont detruit l'art tel qu'il existait autrefois, et le concept d'artiste pleinement crée par Picasso il y a un siecle ont defloré la vraie valeur de l'art qui résidait plus dans l'effort, les heures de pratiques, l'acquisition d 'une technique maîtrisée que dans la peopolisation de tel ou tel artiste, cf célèbre discours sur l'artiste du chorégraphe Maurice Bejart...
Actuartlyon: Nous sommes bien d'accord, il existe des moyens divers qui mettent des tableaux à disposition du plus grand nombre, et les boutiques d'art comme Carré d'Artistes en font partie, nous en avons parlé sur Actuartlyon il y a deux ans déjà dans Carré d'Artistes, la boutique d'art par excellence. Nous avons bien précisé "boutique d'art" et non pas "galerie", parce que lorsqu'il est demandé aux artistes de produire un certain nombre d'objets d'un certain format, il s'agit, à notre sens, plus d'une forme d'artisanat, qui consiste à répéter une technique en changeant de format. En plus le carré est une forme géométrique parfaite, très décorative et modulable en polyptiques, qui s'accorde parfaitement aux tendances actuelles, c'est ce qui fait que ça marche! La "valeur quotée" dont vous parlez est selon nous la véritable source de la "peopolisation" de l'art, car la cote des artistes dépend de trop de paramètres extérieurs à l'oeuvre elle même: le critère historique, le CV, la fortune de l'artiste, les enchères qui peuvent être intentionnellement faussées... Pour nous, la vraie valeur de l'art est l'émotion du spectateur. Les heures de travail et l'effort sont invisibles pour le spectateur et même avec une technique maîtrisée l'oeuvre peut passer inaperçue. La valeur dont vous parlez est seulement la valeur de l'artiste, alors que le prix est une sorte de négociation silencieuse entre l'artiste et son public.
Les galeries subventionnées vs galeries indépendantes
Mireille Duparc: Malheureusement votre article n'étant pas signé, je ne sais à quel(s) individu(s) je m'adresse... Vous écrivez : "vendre à des prix supérieurs à 2000€ n'arrive plus que dans quelques galeries, qui ont réussi à pérenniser leur activité, à fidéliser et surtout à renouveler d'un côté leurs fichiers de collectionneurs et de l'autre leurs écuries d'artistes." Vous oubliez là de considérer que nombre de galeries à Lyon sont en réalité des lieux soutenus par des fonds publics (subventions, achats d'oeuvres, etc), à l'insu du contribuable moyen. Cette proximité avec le pouvoir local leur assure les bons soins des médias. La concurrence est alors particulièrement inéquitable pour les galeries indépendantes.
Actuartlyon: Bonjour Mireille, Derrière tous nos articles qui ne sont pas signés, la grande majorité des publications notamment, il y a les rédacteurs en chef d'Actuartlyon, Eliza Ploia et Signorino Leonardi, collectionneurs et organisateurs d'exposition par ailleurs. Sinon nous précisons toujours l'auteur: nous avons eu des publications de Nicole Esterolle, de Jean-Luc Chalumeau, des courriers de lecteurs. Il est vrai que la gande majorité de lieux de diffusion artistique ont besoin de ces subventions, sinon ils ne survivent pas, nous l'avons mentionné dans la première partie de notre article. Et c'est là le vrai drame, car ils en ont besoin parce que l'activité de vente est tellement restreinte qu'il se montent depuis des années des "centres d'art" qui refusent de s'appeler "galeries", car ils font que de l'exposition sans vendre, totalement subventionnés. Mais effectivement ce serait le sujet d'un article, à part...
L'ART TUE PAS! Isabelle Trichelieu, artiste lyonnaise, nous propose "un geste artistique" à la portée de tous: Vous croisez un fumeur ? Pourquoi ne pas lui emprunter son paquet et glisser entre la cellophane et le carton ce message "̈l’art tue pas"? Quand vous posez le paquet, posez-le du bon côté. Chaque pochette contient 5 messages "l’art tue pas". Format : 5 x 7 cms. 9 mises en couleur différentes. "l’art tue pas" est présent pendant la Biennale d’Art Contemporain de Lyon (15 sept au 31 déc 2011) dans les boutiques de la Sucrière, du Musée d’Art Contemporain de Lyon, du Musée d’Art Moderne de Saint- Etienne pendant la Biennale d’Art Contemporain (du 15 septembre au 31 décembre 2011). Pour plus d'informations: Isabelle Trichelieu 04 72 30 73 94 / 06 86 86 00 04 trichelieu.isabelle@wanadoo.fr