L'égo-culture ou la culture de l'égo?
Comme l'avons fait toute la période de Graff'ik Art, Festival du Graffiti et du Street Art à Lyon, dimanche dernier nous nous sommes rendus à la "jam session", performance de graffiti sur le mur d'enceinte de l'usine TASE à Vaulx-en-Velin. Il était important, le dernier jour du festival, de faire le bilan de l'opération et nous avons intérrogé le président de FEDEVO (l'association organisatrice), Ruddy Moradel, ancien graffeur lui-même, hip-hopper et promoteur des cultures urbaines.
L'opération aurait atteint les 80% de ses objectifs, et, étant donné le peu de soutien financier de la part des institutions, Ruddy était satisfait. En effet, grâce à la mobilisation des graffeurs, monde de réseaux par excellence, on peut dire que Graff'ik Art a rempli sa mission la plus importante: celle de promouvoir la culture urbaine jusqu'au centre de Lyon et d'exister dans le champ de la création contemporaine, jeune et dynamique.
Mais nous aimerions revenir sur un point qui est celui de la place que l'institution a bien voulu donné à cet évènement. Dans notre interview nous avons demandé à Ruddy s'il avait essayé d'obtenir le soutien de Thierry Raspail, qui, à Lyon, semble être LA personnalité sur la place de l'art contemporain, lequel aurait gentiment refusé pour raison qu'il n'aime pas le graffiti. Et pour autant, durant la Biennale de Lyon 2011 dans le cadre de Veduta, il avait confié à FEDEVO l'organisation de la journée dédiée aux cultures urbaines à l'usine TASE (on y voit encore de loin l'affiche de la Biennale et des murs entiers couverts de graffiti). Mieux encore, le MAC Lyon organisait en 2008 une rétrospective Keith Haring, le précurseur du graffiti urbain... Effectivement dans ces cadres bien cadrés les budgets ne manquent pas et ne nécessitent aucun justificatif de rendement. Mais aujourd'hui la crise économique tranche dans le vif les budgets de la culture et cela ouvrira peut-être d'autres voies que cette culture de masse. Quelle en aurait été la répercussion si Bansky se serait présenté en personne au festival Graff'ik Art? Très certainement on y aurait vu le gratin de l'art contemporain à Lyon...
Mais peu importe Graff'ik Art a eu lieu et a eu le mérite d'exister. C'est parti pour l'année prochaine, les graffeurs s'accrochent!
L'égo-culture ou culture de l'égo? En tant que sémiologue, j'ai voulu exprimer à travers ce néologisme d'"égo-culture" un certain aspect des décideurs institutionnels de la culture aujourd'hui. A force de faire uniquement ce qui leur plaît, par cooptage, par copinage, par goût etc., ils finissent de ne flatter que leurs égos. Est-ce l'objectif de la culture à Lyon? Ou peut-être qu'un jour des évènements comme Graff'ik Art bénéficieront aussi des investissements nécessaires pour rentrer dans le 21e siècle? Et de reposer la question: quelle définition peut-on donner à l'art contemporain? Doit on rester dans cette problématique, comme l'a si bien défini Michel Onfray: est-ce le musée qui fait l'oeuvre ou l'oeuvre qui fait le musée? Que faut-il faire pour que le graffiti soit enfin considéré comme art contemporain?